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Il n’a plus d’appétit, tout lui fait mal au cœur ;
Et le fond de sa maladie
Est une triste et mortelle langueur.
Il s’enquit quelle était cette nymphe admirable
Qui demeurait dans une basse-cour,
Au fond d’une allée effroyable,
Où l’on ne voit goutte en plein jour.
C’est, lui dit-on, Peau-d’Âne, en rien nymphe ni belle,
Et que Peau-d’Âne l’on appelle,
À cause de la peau qu’elle met sur son cou.
De l’amour c’est le vrai remède,
La bête en un mot la plus laide
Qu’on puisse voir après le loup.

On a beau dire, il ne saurait le croire ;
Les traits que l’amour a tracés,
Toujours présens à sa mémoire,
N’en seront jamais effacés.

Cependant la reine sa mère,
Qui n’a que lui d’enfant, pleure et se désespère :
De déclarer son mal elle le presse en vain ;
Il gémit, il pleure, il soupire :
Il ne dit rien, si ce n’est qu’il désire
Que Peau-d’Âne lui fasse un gâteau de sa main ;
Et la mère ne sait ce que son fils veut dire.
Ô ciel ! madame, lui dit-on.
Cette Peau-d’Âne est une noire taupe,
Plus vilaine encor et plus gaupe
Que le plus sale marmiton.
N’importe, dit la reine, il faut le satisfaire,
Et c’est à cela seul que nous devons songer :