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Un jour le jeune prince errant à l’aventure,
De basse-cour en basse-cour,
Passa dans une allée obscure,
Où de Peau-d’Âne était l’humble séjour.
Par hasard il mit l’œil au trou de la serrure.
Comme il était fête ce jour,
Elle avait pris une riche parure,
Et ses superbes vêtemens,
Qui, tissus de fin or et de gros diamans,
Égalaient du soleil la clarté la plus pure.
Le prince, au gré de son désir,
La contemple et ne peut qu’à peine,
En la voyant, reprendre haleine,
Tant il est comblé de plaisir.
Quels que soient ses habits, la beauté du visage,
Son beau tour, sa vive blancheur,
Ses traits fins, sa jeune fraîcheur,
Le touchent cent fois davantage ;
Mais un certain air de grandeur,
Plus encore une sage et modeste pudeur,
Des beautés de son ame assuré témoignage,
S’emparèrent de tout son cœur.
Trois fois, dans la chaleur du feu qui le transporte,
Il voulut enfoncer la porte ;
Mais croyant voir une divinité,
Trois fois par le respect son bras fut arrêté.

Dans le palais, pensif, il se retire ;
Et là, nuit et jour il soupire :
Il ne veut plus aller au bal,
Quoiqu’on soit dans le carnaval.
Il hait la chasse, il hait la comédie ;