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Et, brûlant d’un amour extrême,
Alla follement s’aviser
Que par cette raison il devait l’épouser ;
Il trouva même un casuiste
Qui jugea que le cas se pouvait proposer.

Mais la jeune princesse, triste
D’ouïr parler d’un tel amour,
Se lamentait et pleurait nuit et jour.
De mille chagrins l’ame pleine,
Elle alla trouver sa marraine,
Loin dans une grotte à l’écart,
De nacre et de corail richement étoffée ;
C’était une admirable fée,
Qui n’eut jamais de pareille en son art.
Il n’est pas besoin qu’on vous die
Ce qu’était une fée en ces bienheureux tems,
Car je suis sûr que votre mie
Vous l’aura dit dès vos plus jeunes ans.

Je sais, dit-elle, en voyant la princesse,
Ce qui vous fait venir ici,
Je sais de votre cœur la profonde tristesse ;
Mais avec moi n’ayez plus de souci :
Il n’est rien qui vous puisse nuire,
Pourvu qu’à mes conseils vous vous laissiez conduire.
Votre père, il est vrai, voudrait vous épouser :
Écouter sa folle demande
Serait une faute bien grande ;
Mais, sans le contredire, on le peut refuser.
Ainsi, dites-lui qu’il vous donne,
Pour rendre vos désirs contens,
Avant qu’à son amour votre cœur s’abandonne,