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Il était une fois un roi,
Le plus grand qui fût sur la terre,
Aimable en paix, terrible en guerre,
Seul enfin comparable à soi.
Ses voisins le craignaient, ses états étaient calmes,
Et l’on voyait de toutes parts
Fleurir à l’ombre de ses palmes
Et les vertus et les beaux-arts.
Son aimable moitié, sa compagne fidèle,
Était si charmante et si belle,
Avait l’esprit si commode et si doux,
Qu’il était encore avec elle
Moins heureux roi qu’heureux époux.
De leur tendre et chaste hyménée,
Plein de douceur et d’agrément,
Avec tant de vertus une fille était née,
Qu’ils se consolaient aisément
De n’avoir pas de plus ample lignée.

Dans son vaste et riche palais
Ce n’était que magnificence ;
Partout y fourmillait une vive abondance
De courtisans et de valets.
Il avait dans son écurie
Grands et petits chevaux de toutes les façons,
Couverts de beaux caparaçons
Roides d’or et de broderie ;
Mais ce qui surprenait tout le monde en entrant,
C’est qu’au lieu le plus apparent,
Un maître âne étalait ses deux grandes oreilles.
Cette injustice vous surprend ;
Mais lorsque vous saurez ses vertus nonpareilles,
Vous ne trouverez pas que l’honneur fût trop grand.