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vile des esclaves. La reine, en l’embrassant, lui confirma le serment du roi. Le prince, attendri par les larmes et les caresses des auteurs de ses jours : « Mon père et ma mère, leur dit-il, je n’ai point dessein de faire une alliance qui vous déplaise ; et, pour preuve de cette vérité, dit-il en tirant l’émeraude de dessous son chevet, c’est que j’épouserai la personne à qui cette bague ira, telle qu’elle soit ; et il n’y a pas apparence que celle qui aura ce joli doigt soit une rustaude, ou une paysanne. »

Le roi et la reine prirent la bague, l’examinèrent curieusement, et jugèrent, ainsi que le prince, que cette bague ne pouvait aller qu’à quelque fille de bonne maison. Alors le roi ayant embrassé son fils, en le conjurant de guérir, sortit, fit sonner les tambours, les fifres et les trompettes par toute la ville, et crier par ses hérauts, que l’on n’avait qu’à venir au palais, essayer une bague, et que celle à qui elle irait juste épouserait l’héritier du trône.

Les princesses d’abord arrivèrent, puis les duchesses, les marquises et les baronnes ; mais elles eurent beau toutes s’amenuiser[1] les doigts, aucune ne put mettre la bague. Il en fallut venir aux grisettes, qui, toutes jolies qu’elles étaient, avaient toutes les doigts trop gros. Le prince, qui se portait mieux, faisait lui-même l’essai. Enfin, on en vint aux filles de chambre ; elles ne réussirent pas

  1. Se les rendre menus.