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mouiller le visage du prince d’un torrent de larmes. « Madame, lui dit enfin le prince avec une voix très-faible, je ne suis pas assez dénaturé pour désirer la couronne de mon père ; plaise au ciel qu’il vive de longues années, et qu’il veuille bien que je sois long-tems le plus fidèle et le plus respectueux de ses sujets ! Quant aux princesses que vous m’offrez, je n’ai point encore pensé à me marier ; et vous pensez bien que, soumis comme je le suis à vos volontés, je vous obéirai toujours, quoi qu’il m’en coûte. — Ah ! mon fils, reprit la reine, rien ne nous coûtera pour te sauver la vie ; mais, mon cher fils, sauve la mienne et celle du roi ton père, en me déclarant ce que tu désires, et sois bien assuré qu’il te sera accordé. — Eh bien ! madame, dit-il, puisqu’il faut vous déclarer ma pensée, je vais vous obéir ; je me ferais un crime de mettre en danger deux êtres qui me sont si chers. Oui, ma mère, je désire que Peau-d’Âne me fasse un gâteau, et que, dès qu’il sera fait, on me l’apporte. »

La reine, étonnée de ce nom bizarre, demanda qui était cette Peau-d’Âne ? « C’est, madame, reprit un de ses officiers qui par hasard avait vu cette fille, c’est la plus vilaine bête après le loup ; une peau noire, une crasseuse, qui loge dans votre métairie et qui garde vos dindons. — N’importe, dit la reine : mon fils, au retour de la chasse, a peut-être mangé de sa pâtisserie ; c’est une fantaisie