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parvenir à faire une pareille robe, ou nous gagnerons au moins du tems. »

L’infante en convint, demanda la robe ; et l’amoureux roi donna, sans regret, tous les diamans et les rubis de sa couronne pour aider à ce superbe ouvrage, avec ordre de ne rien épargner pour rendre cette robe égale au soleil. Aussi, dès qu’elle parut, tous ceux qui la virent déployée furent obligés de fermer les yeux, tant ils furent éblouis. C’est de ce tems que datent les lunettes vertes et les verres noirs. Que devint l’infante à cette vue ? Jamais on n’avait rien vu de si beau et de si artistement ouvré[1]. Elle était confondue ; et sous prétexte d’avoir mal aux yeux, elle se retira dans sa chambre, où la fée l’attendait, plus honteuse qu’on ne peut dire. Ce fut bien pis ; car en voyant la robe du soleil elle devint rouge de colère. « Oh ! pour le coup, ma fille, dit-elle à l’infante, nous allons mettre l’indigne amour de votre père à une terrible épreuve. Je le crois bien entêté de ce mariage qu’il croit si prochain ; mais je pense qu’il sera un peu étourdi de la demande que je vous conseille de lui faire ; c’est la peau de cet âne qu’il aime si passionnément, et qui fournit à toutes ses dépenses avec tant de profusion : allez, et ne manquez pas de lui dire que vous désirez cette peau. »

L’infante, ravie de trouver encore un moyen

  1. Ouvré, ouvragé, travaillé.