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moi ; j’en veux votre serment, et alors je mourrai contente. »

On présume que la reine, qui ne manquait pas d’amour-propre, avait exigé ce serment, ne croyant pas qu’il fût au monde personne qui pût l’égaler, pensant bien que c’était s’assurer que le roi ne se remarierait jamais. Enfin elle mourut. Jamais mari ne fit tant de vacarme ; pleurer, sangloter jour et nuit, menus droits du veuvage, furent son unique occupation.

Les grandes douleurs ne durent pas. D’ailleurs les grands de l’état s’assemblèrent, et vinrent en corps prier le roi de se remarier. Cette première proposition lui parut dure, et lui fit répandre de nouvelles larmes. Il allégua le serment qu’il avait fait à la reine, défiant tous ses conseillers de pouvoir trouver une princesse plus belle et mieux faite que feue sa femme, pensant que cela était impossible. Mais le conseil traita de babiole une telle promesse, et dit qu’il importait peu de la beauté, pourvu qu’une reine fût vertueuse et point stérile ; que l’état demandait des princes pour son repos et sa tranquillité ; qu’à la vérité l’infante[1] avait toutes les qualités requises pour faire une grande reine, mais qu’il fallait lui choisir un étranger pour époux ; et qu’alors, ou cet étranger l’emmènerait chez lui, ou que s’il régnait avec elle, ses enfans ne seraient

  1. Nom qu’on donne aux filles des rois, en Espagne et en Portugal.