Page:Charles Perrault - Oeuvres choisies, édition 1826.djvu/261

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

confirmé par le choix qu’il avait fait d’une princesse aussi belle que vertueuse ; et ces heureux époux vivaient dans une union parfaite. De leur chaste hymen était née une fille, douée de tant de grâces et de charmes, qu’ils ne regrettaient point de n’avoir pas une plus ample lignée.

La magnificence, le goût et l’abondance régnaient dans son palais ; les ministres étaient sages et habiles ; les courtisans vertueux et attachés ; les domestiques fidèles et laborieux ; les écuries vastes et remplies des plus beaux chevaux du monde, couverts de riches caparaçons : mais ce qui étonnait les étrangers qui venaient admirer ces belles écuries, c’est qu’au lieu le plus apparent, un maître âne étalait de longues et grandes oreilles. Ce n’était pas par fantaisie, mais avec raison, que le roi lui avait donné une place particulière et distinguée. Les vertus de ce rare animal méritaient cette distinction, puisque la nature l’avait formé si extraordinaire, que sa litière, au lieu d’être malpropre, était couverte, tous les matins, avec profusion, de beaux écus au soleil[1] et de louis d’or[2] de toute espèce, qu’on allait recueillir à son réveil.

Or, comme les vicissitudes de la vie s’étendent aussi bien sur les rois que sur les sujets, et que

  1. On frappa des écus au soleil sous Louis XIV, qui avait pris le soleil pour emblème.
  2. Louis d’or, monnaie de France spécialement.