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deux époux de malheurs bien funestes, pour les réserver à un destin le plus doux in monde . Ils eurent toujours l’un pour l’autre une tendresse extrême, et passèrent une longue suite de beaux jours dans une gloire et dans une félicité qu’on aurait peine à bien décrire.

Voilà, madame, la très-merveilleuse histoire de Finette. Je vous avoue que je l’ai brodée, et que je vous l’ai contée un peu au long ; mais quand on dit des contes, c’est une marque que l’on n’a pas beaucoup d’affaires ; on cherche à s’amuser, et il me paraît qu’il ne coûte pas plus de les alonger, pour faire durer davantage la conversation. D’ailleurs, il me semble que les circonstances font le plus souvent l’agrément de ces histoires badines. Vous pouvez croire, charmante comtesse, qu’il est facile de les réduire en abrégé. Je vous assure que quand vous voudrez, je vous dirai les aventures de Finette en fort peu de mots. Cependant ce n’est pas ainsi que l’on me les racontait quand j’étais enfant : le récit en durait au moins une bonne heure.

Je ne doute pas que vous ne sachiez que ce conte est très-fameux ; mais je ne sais si vous êtes informée de ce que la tradition nous dit de son antiquité. Elle nous assure que les troubadours ou conteurs de Provence ont inventé Finette bien long-tems devant qu’Abailard, ni le célèbre comte Thibaud de Champagne eussent produit des romans. Ces sortes