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paille, une vessie, du sang de mouton, et les boyaux de quelques-uns des animaux qu’on avait mangés au souper. La princesse passa dans ce cabinet sous quelque prétexte, et composa une figure de paille, dans laquelle elle mit les boyaux et la vessie pleine de sang. Ensuite, elle ajusta cette figure en déshabillé de femme et en bonnet de nuit. Lorsque Finette eut achevé cette belle marionnette, elle alla rejoindre la compagnie, et peu de tems après on conduisit la princesse et son époux dans leur appartement. Quand on eut donné à la toilette le tems qu’il lui fallait donner, la dame d’honneur emporta les flambeaux et se retira. Aussitôt Finette jeta la femme de paille dans le lit, et se cacha dans un des coins de la chambre.

Le prince, après avoir soupiré deux ou trois fois tout haut, prit son épée, et la passa au travers du corps de la prétendue Finette. Au même moment il sentit le sang ruisseler de tous côtés, et trouva la femme de paille sans mouvement. « Qu’ai-je fait ? s’écria Bel-à-Voir. Quoi ! après tant de cruelles agitations ; quoi ! après avoir tant balancé si je garderais mes sermens aux dépens d’un crime, j’ai ôté la vie à une charmante princesse que j’étais né pour aimer ! Ses charmes m’ont ravi dès le moment que je l’ai vue ; cependant je n’ai pas eu ta force de m’affranchir d’un serment qu’un frère possédé de fureur avait exigé de moi par une indigne surprise ! Ah !