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faire réussir le dessein qu’elle avait, toutes les mesures que la prudence peut inspirer : elle se déguisa en homme, enferma les enfans de ses sœurs dans des boîtes, et elle y fit de petits trous, vis-à-vis la bouche de ces enfans, pour leur laisser la respiration : elle prit un cheval, emporta ces boîtes et quelques autres ; et dans cet équipage elle arriva à la ville capitale du roi Moult-Benin, où était Riche-Cautèle.

Quand Finette fut dans cette ville, elle apprit que la manière magnifique dont le prince Bel-à-Voir récompensait les remèdes qu’on donnait à son frère avait attiré à la cour tous les charlatans de l’Europe ; car, dès ce tems-là , il y avait quantité d’aventuriers sans emploi, sans talent, qui se donnaient pour des hommes admirables, qui avaient reçu des dons du ciel pour guérir toutes sortes de maux. Ces gens dont la seule science était de fourber hardiment, trouvaient toujours beaucoup de croyance parmi les peuples. Ils savaient leur en imposer par leur extérieur extraordinaire et par les noms bizarres qu’ils prenaient. Ces sortes de médecins ne restent jamais dans le lieu de leur naissance ; et la prérogative de venir de loin souvent leur tient lieu de mérite chez le vulgaire.

L’ingénieuse princesse, bien informée de tout cela, se donna un nom étranger pour ce royaume-là : ce nom était Sanatio ; puis elle fit annoncer de