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L’accident de Riche-Cautèle mit au désespoir le roi Moult-Benin et le prince Bel-à-Voir. Pour les peuples de leurs états, ils n’en furent point touchés. Riche-Cautèle en était très-haï, et même l’on s’étonnait de ce que le jeune prince, qui avait des sentimens si nobles et si généreux, pût tant aimer cet indigne aîné. Mais tel était le bon naturel de Bel-à-Voir, qu’il s’attachait fortement à tous ceux de son sang ; et Riche-Cautèle avait toujours eu l’adresse de lui témoigner tant d’amitié, que ce généreux prince n’aurait jamais pu se pardonner de n’y pas répondre avec vivacité. Bel-à-Voir eut donc une douleur violente des blessures de son frère, et il mit tout en usage pour tâcher de les guérir promptement : cependant, malgré les soins empressés que tout le monde en prit, rien ne soulageait Riche-Cautèle ; au contraire, ses plaies semblaient s’envenimer de plus en plus, et le faire souffrir long-tems.

Finette, après s’être dégagée de l’effroyable danger qu’elle avait couru, avait encore regagné heureusement le château où elle avait laissé ses sœurs, et n’y fut pas long-tems sans être livrée à de nouveaux chagrins. Les deux princesses mirent au monde chacune un fils, dont Finette se trouva fort embarrassée. Cependant le courage de cette princesse ne s’abattit point : l’envie qu’elle eut de cacher la honte de ses sœurs la fit résoudre à s’exposer encore une fois, quoiqu’elle en vît bien le péril. Elle prit, pour