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péchaient dans cette rivière , dont il fut tiré dans un état qui fit compassion à ces bonnes gens. Il se fit transporter à la cour du roi son père, pour se faire guérir à loisir ; et la disgrâce qui lui était arrivée lui fit prendre une si forte haine contre Finette, qu’il songea moins à se guérir qu’à se venger d’elle.

Cette princesse passait des momens bien tristes : la gloire lui était mille fois plus chère que la vie ; et la honteuse faiblesse de ses sœurs la mettait dans un désespoir dont elle avait peine à se rendre maîtresse. Cependant la mauvaise santé de ces deux princesses, qui était causée par les suites de leurs mariages indignes, mit encore la constance de Finette à l’épreuve. Riche-Cautèle, qui était déjà un habile fourbe, rappela tout son esprit depuis son aventure pour devenir fourbissime. L’égout ni les contusions ne lui donnaient pas tant de chagrin que le dépit d’avoir trouvé quelqu’un plus fin que lui. Il se douta des suites des deux mariages ; et, pour tenter les deux princesses malades, il fit porter, sous les fenêtres de leur château, de grandes caisses remplies d’arbres tout chargés de beaux fruits. Nonchalante et Babillarde, qui étaient souvent aux fenêtres, ne manquèrent pas de voir ces fruits : aussitôt il leur prit une envie violente d’en manger[1] ; et elles persécutèrent Finette de descendre dans le

  1. Envies de femmes grosses.