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pour faire tout égal ; c’est pourquoi, sage fée, je vous prie de me faire trois quenouilles de verre pour mes filles, qui soient faites avec un tel art, que chaque quenouille ne manque point de se casser sitôt que celle à qui elle appartiendra fera quelque chose contre sa gloire. »

Comme cette fée était des plus habiles, elle donna à ce prince trois quenouilles enchantées, et travaillées avec tous les soins nécessaires pour le dessein qu’il avait. Mais il ne fut pas content de cette précaution ; il mena les princesses dans une tour fort haute, qui était bâtie dans un lieu bien désert. Le roi dit à ses filles qu’il leur ordonnait de faire leur demeure dans cette tour, pendant tout le tems de son absence, et qu’il leur défendait d’y recevoir : aucune personne que ce fût. Il leur ôta tous leurs officiers de l’un et de l’autre sexe ; et après leur avoir fait présent des quenouilles enchantées, dont il leur expliqua les qualités, il embrassa les princesses et ferma les portes de la tour, dont il prit lui-même les clefs ; puis il partit.

Vous allez peut-être croire, madame, que ces princesses étaient là en danger de mourir de faim. Point du tout : on avait eu soin d’attacher une poulie à une des fenêtres de la tour, et on y avait mis une corde à laquelle les princesses attachaient un corbillon quelles descendaient chaque jour. Dans ce corbillon, on mettait leurs provisions pour la