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savait pas qu’il était dangereux de s’arrêter à écouter un loup, lui dit : « Je vais voir ma mère-grand, et lui porter une galette avec un petit pot de beurre que ma mère lui envoie. — Demeure-t-elle bien loin ? lui dit le Loup. — Oh ! oui, lui dit le petit Chaperon rouge ; c’est par-delà le moulin que vous voyez tout là-bas, là-bas, à la première maison du village. — Eh bien ! dit le Loup, je veux l’aller voir aussi : je m’y en vais par ce chemin-ci, et toi par ce chemin-là ; et nous verrons à qui plus tôt y sera. »

Le Loup se mit à courir de toute sa force par le chemin qui était le plus court ; et la petite fille s’en alla par le chemin le plus long, s’amusant à cueillir des noisettes, à courir après des papillons, et à faire des bouquets des petites fleurs qu’elle rencontrait.

Le Loup ne fut pas long-tems à arriver à la maison de la mère-grand ; il heurte, toc, toc. « Qui est là ? — C’est votre fille le petit Chaperon rouge, dit le Loup en contrefaisant sa voix, qui vous apporte une galette et un petit pot de beurre, que ma mère vous envoie. » La bonne mère-grand, qui était dans son lit, à cause qu’elle se trouvait un peu mal, lui cria : « Tire la chevillette, la bobinette[1] cherra. » — Le Loup tira la chevillette, et la porte s’ouvrit. Il se jeta sur la bonne femme, et la dévora en moins

  1. Petit verrou de bois qui ferme les portes dans les villages.