Page:Charles Perrault - Les Contes de Perrault, edition Feron, Casterman, 1902.djvu/29

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— et, en disant ces mots, il lui sortit de la bouche deux roses, deux perles et deux gros diamants. — « Que vois-je là ! dit sa mère tout étonnée ; je crois qu’il lui sort de la bouche des perles et des diamants. D’où vient cela, ma fille ? » (Ce fut là la première fois qu’elle l’appela sa fille). — La pauvre enfant lui raconta naïvement tout ce qui lui était arrivé, non sans jeter une infinité de diamants. — « Vraiment, dit la mère, il faut que j’y envoie ma fille. Tenez, Fanchon, voyez ce qui sort de la bouche de votre sœur, quand elle parle ; ne seriez-vous pas bien aise d’avoir le même don ? Vous n’avez qu’à aller puiser de l’eau à la fontaine, et, quand une pauvre femme vous demandera à boire, lui en donner bien honnêtement. — Il me ferait beau voir, répondit la brutale, aller à la fontaine ! — Je veux que vous y alliez, reprit la mère, et tout à l’heure. »

Elle y alla, mais toujours en grondant. Elle prit le plus beau flacon d’argent qui fût dans le logis. Elle ne fut pas plus tôt arrivée à la fontaine, qu’elle vit sortir du bois une dame magnifiquement vêtue, qui vint lui demander à boire. C’était la même fée qui avait apparu à sa sœur, mais qui avait pris l’air et les habits d’une princesse, pour voir jusqu’où irait la malhonnêteté de cette fille. — Est-ce que je suis ici venue, lui dit cette brutale orgueilleuse, pour vous donner à boire ! Justement j’ai apporté un flacon d’argent tout exprès pour donner à boire à Madame ? J’en suis d’avis : buvez à même si vous voulez. — Vous n’êtes guère honnête, reprit la fée, sans se mettre en colère. Eh bien ! puisque vous êtes si peu obligeante, je vous donne pour don qu’à chaque parole que vous direz, il vous sortira de la bouche ou un serpent, ou un crapaud. »

D’abord que sa mère l’aperçut, elle lui cria : Eh bien ! ma fille ! — Eh bien ! ma mère ! lui répondit la brutale, en jetant deux vipères et deux crapauds. — Ô ciel, s’écria la mère, que vois-je là ? C’est sa sœur qui en est cause : elle me le paiera ; et aussitôt elle courut pour la battre. La pauvre enfant s’enfuit et alla se sauver dans la forêt prochaine.

Le fils du roi, qui revenait de la chasse, la rencontra et, la voyant si triste, lui demanda ce qu’elle faisait là toute seule et ce qu’elle avait à pleurer ! — « Hélas ! Monsieur, c’est ma