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RÉPONSE À M. SULLY PRUDHOMME

aussitôt le premier aspect ; mais, quant au second, il l’oublie… C’est d’ailleurs un petit oubli et rien n’eût été plus facile que de restituer la pensée du causeur : après avoir envisagé l’homme du point de vue de la science, M. Sully Prudhomme l’aurait sans doute regardé du point de vue de la moralité, s’il eût continué la suite logique de son discours.

— L’homme, eût-il dit, n’est pas seulement le sujet des lois du monde ; il est, en outre, en quelque manière, leur dieu. Ce dieu, retranché dans le ciel intérieur de sa conscience, dispose d’une incoercible et inviolable majesté. Nul ne saurait lui commander. Il ne saurait non plus obéir à personne. « N’appelez « personne votre maître, car vous n’avez qu’un maître et il « habite dans les cieux. » Le protestantisme, Rousseau et Kant, la Révolution française ont appliqué à la politique ces paroles de saint Matthieu.

Ainsi aurait parlé M. Sully Prudhomme. M. Champion, en ne lui prêtant point de telles paroles, a voulu respecter l’exactitude historique de l’entretien qu’il relatait. Non seulement il en a conservé ainsi toute la saveur, mais il a défendu le poète qu’il aime d’une réplique trop facile. Nous aurions en effet répliqué que l’ordre de la politique et l’ordre de la conscience sont distincts. La conscience humaine poursuit des fins spirituelles, elle cherche le salut individuel. La politique, qui s’en tient au temporel, s’intéresse à la vie prospère des communautés ; elle détermine les conditions générales du bien public dans les groupes naturels que forment les hommes. Elle relève donc, comme ces groupes, d’un ensemble de lois naturelles. Étant données ces lois, qu’elle s’attache à discerner et à formuler avec toute la netteté de la science, elle trace et éclaire la conduite des politiques, à peu près comme la physiologie, la pathologie et la thérapeutique inspirent et dirigent la conduite des médecins.

Voilà pour le second aspect de l’homme.

Quant au premier, sur lequel il s’est exprimé en termes nets, M. Sully Prudhomme n’hésite pas à reconnaître que le système monarchique est, clairement, celui que la science recommande comme le meilleur et comme le seul. Ce républicain, ce grand dignitaire de la République, en arrive à constater sans réserve ni réticence la vérité qu’avait constatée avant lui, dans une