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volonté de la Revanche. Non contents d’y renoncer en fait, après l’affaire Dreyfus, les ministères Waldeck et Combes donnèrent des gages publics de l’abdication. Ils abandonnèrent et diminuèrent l’armée, la marine, la police d’État, l’État tout entier. L’idée nationale eut le même sort : ce qu’un petit nombre d’intellectuels, les Naquet, les Gourmont, les Gohier, les Péladan, les Hermant, les Descaves, avaient été seuls à sentir et à désirer depuis 1890, ce qui n’avait été longtemps qu’une conception théorique mal avouée, la volonté de sacrifier la patrie à l’humanité, se manifesta au grand jour ; supposant le problème de l’avenir résolu, sa solution fixée, la République française limita les calculs de la prévoyance politique aux conflits des partis qui l’agitaient ou qui l’assiégeaient, elle fit la guerre à ses ennemis de l’intérieur, en exila plusieurs, en ruina et en dépouilla d’autres, mais, pour ce qui était des rivaux ou concurrents du dehors, elle proclama qu’il ne devait plus y avoir de lutte contre eux, elle invita même son armée à n’y plus penser. Ni la menace de Guillaume II à Tanger en 1905, ni la révolution jeune-turque en 1908, ni l’incident de Casablanca, ni l’évidence accrue des préparatifs allemands ne troublèrent beaucoup cette inertie ni ce sommeil jusqu’à la fin de l’année 1911 : pour lui révéler ce péril, pour le rendre sensible au monde gouvernemental de la République, il fallut l’envoi du Panther dans les eaux marocaines, l’incident d’Agadir, la cession forcée d’une moitié du Congo à Guillaume II. La réaction qui se produisit à cette date a été appelée par nous, dès l’événement, l’expérience Poincaré. Sous le nom du Lorrain demeuré attentif aux conditions de la vie française, un méritoire effort militaire fut entrepris. On réintégra dans la politique du gouvernement ces préoccupations de défense nationale et de politique extérieure qui étaient devenus le monopole de l’opposition. Il faut le dire tout de suite, l’effort était débile faute d’être complet. Avant la deuxième année de cet effort, avant la fin de 1913, le parlementarisme anarchique reprenait le dessus, des élections antimilitaristes en résultaient et le bouillonnement révolutionnaire se prolongeait jusqu’au seuil de la grande guerre. C’est que la principale condition du salut public avait été négligée tout entière. Les hommes de 1912 ne s’étaient pas souciés de constituer le gouvernement