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PRÉFACE DE L’ÉDITION DE 1909

1900-1909

Ceux qui sont satisfaits n’auront pas à ouvrir ce livre que je soumets à la raison de tous les Français mécontents. L’Enquête sur la Monarchie a été entreprise, il y a dix ans, à la suite d’une de ces alertes qui donnent aux particuliers l’envie de voir clair dans l'État pour en vérifier les organes et les positions. Si l’inquiétude avait été exagérée ou superficielle, ces pages auraient vite vieilli et seraient maintenant sans lecteurs comme sans objet. Mais ce qui s’est produit depuis 1900 n’a rien atténué des anciennes raisons de craindre et nous a découvert des misères nouvelles qu’il eût été presque impie de prévoir alors.

I. — La question

La crise de 1899 élevait une accusation formidable. Nous avions dû toucher du doigt l’impuissance du régime démocratique et républicain à défendre sérieusement contre ses propres forces les secrets de l’État, les sentences de la justice et les services supérieurs de l’armée. Cependant l’optimisme gardait encore des réponses pour l’avenir. On pouvait contester nos explications générales et dire que la catastrophe était venue de fautes personnelles ou d’un de ces concours de mauvais hasards qui ne s’évitent pas : la secousse passée, l’ordre reprendrait le dessus ; tout anarchiste qu’il pût être, le parti vainqueur devait être amélioré par la victoire et, travaillant à réparer ses propres dégâts, reconstituant les fonctions affaiblies ou détruites, il referait, à défaut d’unité morale, le minimum d’accord civique dont les chefs et les peuples ont un même besoin.

Il arriva tout le contraire, et ce fut la surprise de ces dix étranges années, qui auront achevé l’éducation politique de ma génération. Tous les gouvernements du monde s’efforcent d’assurer la paix et l’ordre à l’intérieur, la sûreté et la défense à l’extérieur : le nôtre a