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L’homme qui jette le bon grain, c’est le prince qui a conçu la noble pensée de semer la civilisation, le progrès, et, dans l’avenir, la richesse, une richesse certaine pour son peuple, dans l’Afrique jusqu’ici barbare. Les gens qui dorment autour de lui, hélas ! c’est vous-mêmes qui ne l’avez pas soutenu toujours comme vous le pouviez, catholiques belges, dans ce qui regarde les œuvres de foi et d’humanité (car ce sont les seules dont je veuille et puisse parler du haut de cette chaire). L’ivraie qui se sème, c’est l’esclavage qui se développe, et parait prêt à tout couvrir ; enfin, les ouvriers qui se repentent et qui se lèvent pour arracher l’herbe qui a crû, ce sera vous, j’en ai la confiance, Mes Très Chers Frères, lorsque vous aurez entendu ce discours. Mais ne voyez dans mes paroles qu’un seul désir, celui d’éclairer vos consciences et de servir votre honneur chrétien. Tout autre pensée m’est étrangère. Dans ma bouche, la politique, les intérêts humains, même dans des allusions lointaines, seraient contraires aux devoirs de mon ministère sacré.


i.

Je dis donc, tout d’abord, que, comme l’homme de l’Évangile, le prince qui a fondé l’œuvre internationale africaine a jeté une bonne et noble semence. Rien n’est plus facile à établir.

L’Afrique était un monde inconnu et comme perdu pour le genre humain jusqu’au commencement de ce siècle. C’est seulement alors qu’à l’une de ses extrémités, par les entreprises commerciales de l’Angleterre, à l’autre, par les conquêtes militaires de la France, la vie sembla lui revenir. Mais l’intérieur restait toujours un mystère que les explorateurs cherchaient vainement à percer. À une telle tâche des hommes isolés ne pouvaient suffire, quelle que fût leur intelligence et leur audace. Il y fallait une main assez puissante pour réunir ces efforts et c’est votre Roi qui fit dans ce but un premier appel à l’Europe. C’est chez vous, à Bruxelles, que tout ce qui représentait la science, les nobles initiatives s’est