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ayant obtenu trop peu de vous, il a fallu concentrer tous ses efforts sur le Bas-Congo, laisser, pour un temps, le Haut-Congo sans un seul administrateur belge et en fin de compte abandonner ainsi, momentanément, à « l’ennemi » cette portion de l’État Indépendant. C’est ainsi que l’ivraie a pu être semée, mais devant cette marée sanglante qui monte, je viens, moi, comme Pasteur, faire ce qu’un autre ne peut faire et vous crier avec l’Apôtre : il faut sortir de cè sommeil qui vous déshonorerait désormais.

Cet appel je l’adresse du haut de cette chaire à l’opinion de la Belgique entière, afin qu’elle se fasse entendre ;

À ceux qui ont l’autorité, afin qu’ils prennent la mesure vraiment efficace et vraiment simple qui peut tout arrêter ;

Aux jeunes hommes afin qu’ils soutiennent, par leur dévouement personnel, les mesures décrétées par le pouvoir ;

À la charité des chrétiens afin qu’ils prennent assez sur leur superflu pour permettre à ces croisés nouveaux de se rendre au combat et, s’il le faut, au martyre.

Mon premier appel est donc à l’opinion. Elle est la reine du monde. Tôt ou tard, elle force tous les pouvoirs à la suivre et à lui obéir. Mais, chez vous, l’opinion n’a pas suffisamment parlé jusqu’ici.

Acceptez-vous encore, Belges chrétiens, de recevoir plus longtemps, sans frémir, les échos de ces boucheries ? Acceptez-vous que des milliers de créatures humaines soient ainsi réduites en esclavage, privées de leur liberté, ce premier bien de l’homme, entraînées au loin sur les marchés où elles agonisent, entassées dans de noirs bateaux, dispersées aux quatre vents du monde musulman, les mères séparées des enfants, pour servir, les uns et les autres, à de honteuses débauches ? Acceptez-vous que des provinces entières soient dépeuplées ?

Disons tout. Voulez-vous en porter le déshonneur devant l’histoire ? Voulez-vous qu’un jour Dieu vous réclame le sang de vos frères ? Voulez-vous qu’au jour des justices Il vous dise, comme Il en menace dans son Évangile ; « Loin de moi ! car j’ai été opprimé, et vous n’êtes point venu à mon aide ; j’ai été en-