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rapporte que le jour même de son arrivée sur les terres du Congo belge, au Tanganika, un chef arabe était mort. Or il avait

    mais nous faisons bonne garde avec nos hommes et prenons toutes les précautions possibles pour être à l’abri d’un coup de main ou de la trahison, dont ces sauvages métis mahométans seraient bien capables.

    Au soir, nous assistons dans le pays qui nous environne au triste spectacle d’une razzia d’esclaves ; partout on voit flamber les villages, les gens se sauver sur le lac. Les Rouga-Rouga reviennent chargés de poulets, de chèvres, de paquets de poissons, de moutons, etc., etc. Une troupe d’une trentaine de brigands parcourt sous nos yeux les collines et les bas-fonds de la rivière Maongolo où sont cachés de pauvres fuyards : ils reviennent au soir avec les femmes et les enfants liés !

    C’est un spectacle affreux ! On voudrait pouvoir fusiller sur place ces ignobles bandits sans foi ni loi qui volent ainsi des créatures humaines pour les plonger dans le double esclavage de l’âme et du corps. Nous aurions peut-être la chance de délivrer beaucoup de malheureux en permettant à nos gens armés de sauter sur cette troupe de démons incarnés, mais ce serait la guerre ouverte, et la Mission serait perdue.

    Hélas ! quand donc un pouvoir européen quelconque voudra-t-il détruire cette maudite traite des esclaves et tous les maux qui en sont le triste cortège ! Il suffirait d’un détachement de cinquante soldats européens bien armés et acclimatés pour anéantir, en quinze jours de temps, toute cette vilaine troupe (un ramassis de deux à trois cents brigands) qui fait la terreur de tous les pays, depuis Tabora par Oujiji jusqu’au Manyéma, et sur tout le Tanganika jusqu’à l’Albert-Nianza.

    Si la conférence de Berlin et les démarches des consuls n’ont pu amener que de si maigres résultats, il faut reconnaître que le prestige de l’Europe ne doit guère briller aux yeux des indigènes qui espéraient voir disparaître les traitants avec toutes leurs infamies.

    Mais qu’y pouvons-nous faire, pauvres missionnaires, sinon prier Dieu pour la pauvre race noire et pour ses pires ennemis qui sont les Arabes et les métis ! Mais qu’il est horrible de voir ces chasses à l’homme !

    Au soir de ce triste dimanche qui ne s’effacera jamais de notre mémoire, le cœur plein de ces pensées, le T. R. P. Supérieur envoie le père Vyncke au camp arabe pour demander qu’on mette au plus tôt fin à ces indignes vexations, que la troupe déguerpisse au plus vite et qu’on laisse rentrer nos nègres chrétiens dans leurs villages où on a détruit presque toutes les plantations. Le chef arabe, qui est incapable de faire respecter l’ordre dans les rangs de ces coquins, promet de partir demain matin de bonne heure, et nous laisse racheter, parmi les victimes de la chasse de cet après-midi,