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esclave ; et, sur le Congo, Stanley dit « deux cents » ! Ah ! Mes Très Chers Frères, on a vanté la largeur des eaux de ce fleuve,

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    Leur camp était établi à environ 125 mètres du nôtre et protégé par une haie construite avec les débris des maisonnettes de Yangambi, brûlées par eux. Au milieu de l’enclos, s’élevaient des rangées de hangars qui couvraient un espace d’une centaine de mètres, et devant le débarcadère je comptai cinquante-quatre canots capables de contenir, selon leur dimension, de dix à cent personnes chacun. Le camp est littéralement bondé de monde. De tous côtés, des groupes de noirs, immobiles ou errant, silencieux et mornes, tranchent sur les costumes blancs des Arabes ; on aperçoit sous les hangars des corps nus, étendus dans toutes les postures ; d’innombrables rangées de jambes appartenant à des malheureux endormis ; des petits enfants dont les formes naissantes indiquent encore à peine leur sexe ; et çà et là un troupeau de vieilles femmes entièrement nues, ployant sous des paniers de charbons, ou des tas de cassave ou de bananes, et conduites par deux ou trois bandits armés de carabines. En examinant le tableau de plus près, je m’aperçois que la plupart de ces infortunés sont chargés de chaînes ; les jeunes gens ont autour du cou des carcans que des anneaux retiennent à d’autres carcans, de sorte que les captifs marchent par groupes de vingt. Les enfants de plus de dix ans ont les jambes attachées par des anneaux de cuivre qui gênent tous leurs mouvements, les mères par des chaînes plus courtes qui festonnent leur sein et y maintiennent les enfants en bas âge. Pas un homme adulte parmi ces prisonniers.

    De leur propre aveu les ravisseurs d’esclaves n’ont actuellement avec eux que 2,500 captifs. Et cependant ils ont parcouru comme un fléau, tuant et détruisant sans pitié tout ce qu’ils rencontraient, un pays aussi étendu que l’Irlande ; 118 villages, représentant quarante-trois communautés plus vastes, ont été ravagés, et cette œuvre d’extermination n’a rapporté aux exterminateurs que 2,300 esclaves femmes et enfants et environ 2,000 défenses d’ivoire. La quantité de lances, de sabres, d’armes de toute espèce qui font partie du butin indique que des centaines d’hommes adultes sont morts en combattant. En supposant que chacun des 118 villages n’ait eu qu’une population de 1,000 personnes, les Arabes n’en ont enlevé que deux pour cent, et en faisant la part des accidents qui surviendront pendant le voyage de Kiroundou et de Nyangoné, des effets qu’exerceront les tortures de la captivité et les maladies épidémiques engendrées par la malpropreté et les privations, on peut calculer que ces sanglantes aventures n’auront donné qu’un bénéfice de un pour cent à leurs tristes héros.