Page:Charles Lavigerie - L’Esclavage africain. Conférence sur l’esclavage dans le Haut-Congo faite à Sainte-Gudule de Bruxelles.djvu/15

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 12 —

ravagé, et il ajoute ce détail, que sur un million d’habitants, les témoins oculaires lui avaient affirmé qu’il n’en avait échappé que cinq mille. Il fait ensuite ce calcul que, sur deux cents habitants, un seul avait échappé à l’esclavage ou à la mort[1].

  1. Voici ce qu’écrit Stanley dans son livre : Cinq années au Congo :

    Le lendemain, nous étions depuis deux heures en chemin, quand le mur de forêts qui bordait la rive présenta une solution de continuité. Je reconnus l’emplacement d’un village que j’avais désigné sur ma carte de 1877, sous le nom de Maouembé. Mais en 1877, la localité était fortement retranchée derrière des palissades, tandis qu’aujourd’hui il n’y avait plus la moindre huile. En nous rapprochant, nous pûmes distinguer les débris de quelques bouquets de bananiers, en même temps que les traces des sentiers blanchis qui menaient du bord de l’eau à la petite ville ; mais plus rien ne remuait, plus rien ne vivait en ces lieux. Les haies, les cônes des poulaillers et les toitures basses et larges des maisonnettes qui se dessinaient naguère à l’arrière-plan, tout avait disparu. Arrivés à front de l’endroit, nous reconnûmes les signes d’un récent incendie. Le feuillage, et même les troncs argentés des plus hauts arbres, avaient été roussis par quelque chaleur artificielle ; les bananiers, terriblement clairsemés et endommagés, agitaient tristement leur frondaison déguenillée, comme des pauvres implorant l’aumône.

    Alors, nous ralentîmes notre marche, pour contempler à loisir ce tableau et en rechercher la signification.

    Six années auparavant, nous étions passés devant cette localité à toute vitesse, sans nous arrêter une fois, voulant déjouer tout projet hostile de la part des indigènes, pour le cas où ceux-ci eussent été mal disposés. Depuis, le village avait cessé d’être, comme s’il n’eût jamais existé qu’en rêve. Que s’était-il donc passé ?

    Un peu plus loin, un autre phénomène attira nos regards. Deux ou trois grands canots, dont une des extrémités était fichée en terre, se dressaient tout debout sur la rive, comme des colonnes fendues et creuses. Que pouvait signifier ce fantastique spectacle ? Chacun des canots devait peser, au bas mot, une tonne. Pour soulever pareil poids, il avait évidemment fallu un grand nombre de bras, et des bras robustes encore. Ce n’était point là l’œuvre des nonchalants sauvages aborigènes. Mais alors !.... Eh bien ! il n’y avait que les Arabes qui eussent pu accomplir ce tour de force ; ces canots, droits comme des