Page:Charles Fourier Théorie des quatre mouvements 2nd ed 1841.djvu/325

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

politiques ne sont qu’un indice de leur inconvenance. Plus un peuple accumule de théories morales, moins il est enclin à suivre leurs dogmes. La coterie moraliste est fille du luxe ; en déclamant contre le luxe, elle renie son père ; ses volumes, ses systèmes augmentent en raison des progrès du luxe, et si le luxe tombe, les théories morales tombent avec lui sans que la nation ruinée devienne meilleure. Car les Grecs d’à présent, qui n’ont point de philosophes, n’ont pas plus de mœurs que ceux d’autrefois ; la controverse morale n’a donc d’autre source, d’autre appui que le luxe. Sous son règne, elle peut s’accréditer comme vision romanesque, bonne à amuser les oisifs, pourvu qu’elle se prête aux circonstances. Loin de pouvoir modérer les passions, elle est réduite à flatter les vices dominants sous peine d’être dédaignée ; aussi s’est-elle bien radoucie pour traiter avec les modernes, chez qui les raves ne sont plus en honneur.

La Morale s’abuse lourdement si elle croit avoir quelque existence par elle seule ; elle est évidemment superflue et impuissante dans le mécanisme social ; car sur toutes les questions dont elle forme son domaine, comme le larcin, l’adultère, etc., il suffit de la Politique et de la Religion pour déterminer ce qui est convenable dans l’ordre établi. Quant aux réformes à entreprendre dans les mœurs, si la Politique et la Religion y échouent, la Morale y échouera encore mieux. Qu’est-elle dans le corps des sciences, sinon la cinquième roue du char, l’impuissance mise en action ? Partout où elle combattra seule contre un vice, on est assuré de sa défaite ; elle est comparable à un mauvais régiment