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et Narcisse. Alors les Bacchantes qui se croient le plus aimées de Pollux se dirigent vers sa demeure ; d’autres vont trouver Narcisse, et de même les Bacchants s’acheminent vers les intéressantes blessées qu’ils ont choisies[1]. Pollux sera donc éveillé par des Bacchantes qui viendront, le rameau de myrte à la main, lui apprendre qu’il est trépassé dans l’esprit de Galatée ; elles essuient le premier choc, les clameurs de perfidie et d’ingratitude ; et, pour consoler Pollux, elles prodiguent leur éloquence et leurs charmes[2].

Il y a, chaque matin, une ample déconfiture de poursuivants et de poursuivantes, au grand contentement des légions de Bacchanales, qui font leur pro-

  1. Il est entendu que si les amants disgraciés sont du corps de la Vestalité, ce ne seront pas les Bacchants et Bacchantes qui iront les consoler. En pareil cas, cette fonction sera remplie par d’autres confréries, comme les Sentimentaux et Sentimentales, qui sont le 7e Groupe de la Série amoureuse. Il est maintes exceptions semblables que je ne m’arrête pas à rapporter, et qu’on doit pressentir sans que je les indique.
  2. Des Civilisés diront que Pollux ne tiendra aucun cas des consolations des Bacchantes, que s’il est bien amoureux de Galatée, il rejettera avec dédain des dévergondées qui viendront s’offrir à lui. En effet, telle serait la marche de l’amour dans l’Ordre civilisé. Pollux refuserait pendant plusieurs jours toute autre femme que Galatée, et de plus, il appellerait en duel Pygmalion. Dans l’Ordre barbare, Pollux agirait différemment, il irait poignarder Galatée, en attendant l’occasion de poignarder Pygmalion. Et dans l’Ordre sauvage ou patriarcal, Pollux agirait différemment encore. Je n’ignore pas que, selon nos mœurs, Pollux devrait dédaigner les Bacchantes et leurs consolations ; mais, si vous voulez, d’après les mœurs civilisées, blâmer Pollux qui se distraira avec les Bacchantes, un Barbare pourra se moquer du Civilisé, qui, se voyant ravir sa belle, n’ira pas la poignarder. J’entre dans ces détails, pour rappeler que les passions ont dans chaque Période sociale une marche différente ; et que si les usages de l’Ordre combiné paraissent bizarres sur quelques points, il faudrait, avant de les juger, connaître les circonstances qui introduiront des mœurs si opposées aux nôtres.