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mettre en jeu d’autres batteries que les vertus. Ces filles expérimentées ont l’art de souffler les bons partis aux pudibondes et de faire de bons mariages sans l’entremise de personne, tandis que le mariage des Agnès exige l’entremise scandaleuse des commères, parents, notaires et philosophes, qui se mettent aux trousses d’un jeune homme pour le sermonner et le pousser dans le piège, comme on voit les bouchers et leurs chiens entourer et pousser le bœuf dans la tuerie où il refuse d’entrer.

Ainsi se machinent les mariages ; les hommes ne s’y prennent qu’autant qu’ils sont cernés d’embûches, harcelés de solliciteurs et de moralistes. On ne serait pas si rétif si le mariage était vraiment le gage du bonheur, comme il l’est pour ceux qui épousent une femme opulente.

Comment un siècle si enclin aux expériences de toute espèce, un siècle qui a eu l’audace de renverser les trônes et les autels, a-t-il fléchi si servilement devant les préjugés amoureux, les seuls dont l’attaque eût pu produire quelque bien, et comment n’a-t-on pas songé à essayer sur ce point les systèmes de liberté dont on a tant abusé ? Tout invitait à en éprouver l’effet sur les amours, puisque le bonheur des hommes se proportionne à la liberté dont jouissent les femmes. En effet, supposons qu’on pût inventer un moyen de réduire toutes les femmes, sans exception, à cette chasteté qu’on exige d’elles, de manière que nulle femme ne pût se livrer à l’amour avant le mariage, ni posséder après le mariage d’autre homme que son mari ; il résulterait de là que chaque homme