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siècles pour élever l’industrie, les sciences et les arts au degré de perfection qu’exige l’entreprise de l’Ordre combiné.

Que serait-il donc arrivé si les premiers hommes avaient entrevu cette future harmonie sociale, qui ne pouvait naître qu’après tant de siècles de progrès industriels ? Il est probable que loin de travailler pour le vingtième siècle à venir, ils auraient pris plaisir à lui nuire, et qu’ils auraient dit d’un commun accord : « Pourquoi serions-nous aujourd’hui les valets de gens qui naîtront dans deux mille ans ? Abandonnons, étouffons dans sa naissance cette industrie dont le fruit ne serait que pour eux. Puisque nous sommes privés aujourd’hui du bonheur réservé à l’Ordre combiné, que nos successeurs en soient privés comme nous dans deux mille et dans vingt mille ans ; qu’ils vivent comme nous avons vécu ! » N’est-ce pas là le caractère de l’homme ? témoins les pères qui reprochent sans cesse aux enfants les innovations du luxe dont ils n’ont pas joui dans leur jeune temps. S’il nous fallait seulement vingt ans pour organiser les Séries progressives, quel est l’homme âgé qui se plairait à s’en occuper ? Chacun, craignant de ne pas atteindre à ce terme, répugnerait à travailler pour des héritiers, sans certitude de jouissance personnelle. Si j’annonce avec tant de sécurité l’Harmonie universelle comme très prochaine, c’est que l’organisation de l’État Sociétaire n’exige pas plus de deux ans, à dater du jour où un canton prépare les édifices et plantations ; et l’on verrait naître dans l’instant ce bel Ordre social, si les dispositions pouvaient se trouver faites en quelque lieu,