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allons entrer. Nous devons donc dès aujourd’hui rendre grâces à Dieu de cette vivacité de passions qui avait excité nos ridicules critiques, tant que nous ignorions l’Ordre social qui pouvait les développer et les satisfaire.

Pour obvier à cette ignorance, Dieu devait-il nous accorder la faculté d’entrevoir nos brillantes Destinées ? Non sans doute ; cette connaissance eût été pour nos premiers pères un sujet de désolation continuelle, parce que l’imperfection de l’industrie les aurait retenus forcément dans l’Ordre incohérent. Tout en prévoyant le bonheur futur, ils ne seraient pas moins tombés dans la Sauvagerie, car l’Ordre combiné ne pouvait pas s’organiser avant que l’industrie et le luxe fussent élevés à un très haut degré, dont on était fort éloigné dans la première période. Il fallait bien des siècles pour créer le faste nécessaire à l’Ordre combiné, et nos premiers pères auraient dédaigné de perfectionner l’industrie, pour le bien des générations qui devaient naître dans plusieurs mille ans. Une apathie universelle aurait saisi les peuples ; nul homme n’aurait voulu travailler pour préparer un bien-être si éloigné que ni les vivants ni leurs arrière-neveux ne pouvaient espérer d’en jouir. Aujourd’hui même qu’on se vante de raison, l’on ne veut pas se livrer à certaines entreprises, comme la plantation des forêts, parce que la jouissance en est différée d’une génération ; comment donc nos premiers pères, qui avaient encore moins de raison que nous, auraient-ils pu se plaire à des travaux dont la jouissance eût été renvoyée au-delà de mille ans ? Car il fallait au moins un laps de vingt