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de jouissance ; tel est le vice qui afflige présentement notre globe ; il rend la situation du genre humain si fatigante qu’on voit éclater le mécontentement jusque chez les souverains. Jouissant d’un sort envié par tout le monde, ils se plaignent encore de n’être pas heureux, quoiqu’ils soient libres de changer de condition avec chacun de leurs sujets.

J’ai expliqué précédemment la cause de ce mal-être temporaire : c’est que Dieu a donné à nos passions l’intensité convenable aux deux phases d’Ordre combiné, qui comprendront à peu près soixante-dix mille ans, et dans le cours desquelles chaque journée nous offrira des jouissances si actives, si variées, que nos âmes pourront à peine y suffire, et qu’on sera obligé de raffiner méthodiquement les passions des enfants pour les rendre aptes à goûter les voluptés innombrables que présentera le nouvel Ordre social.

Si nos Destins étaient bornés à la triste Civilisation, Dieu nous aurait donné des passions flasques et apathiques, comme la philosophie les conseille, des passions convenables à la misérable existence que nous traînons depuis cinq mille ans. Leur activité dont nous nous plaignons est le garant de notre bonheur futur. Dieu a dû former nos âmes pour les âges de bonheur, qui dureront sept fois plus que les âges de malheur. La perspective de cinq à six mille ans de tourmentes préparatoires n’était pas un motif suffisant pour déterminer Dieu à nous donner des passions molles et philosophiques, qui auraient convenu aux misères civilisées et barbares, mais qui n’auraient aucunement convenu aux soixante-dix mille ans d’Ordre combiné où nous