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le peuple du pôle

modéré devait nous suffire pour remonter définitivement le ballon. Mais, tandis que mon enthousiasme croissait à mesure qu’avançaient les préparatifs, Ceintras, lui, se laissait aller de plus en plus à une mélancolie morne ; non qu’il ne fît tous ses efforts pour mener l’entreprise à bonne fin, mais il semblait bien plutôt accomplir avec conscience et résignation un devoir imposé qu’agir sous l’impulsion de la folie entreprenante et pleine d’ivresse d’un explorateur ou d’un inventeur qui se voit arrivé tout près du but. Il était loin, le Ceintras illuminé et fervent du soir de notre rencontre ! Des heures durant, il restait avec les ouvriers, donnant des ordres, examinant avec une minutie qui me rassurait, — car elle manifestait son évidente envie de réussir, — les moindres parties de l’appareil. Puis, aux moments de repos, il se disait rompu de fatigue et dormait aussitôt, ou feignait de dormir, évitant ainsi toute conversation avec moi. Parfois, pris d’une légère inquiétude devant son air dé couragé, je lui demandais en lui montrant le ballon :

— Ça marchera ?

Il répondait invariablement, d’une voix blanche et sans expression :

— Ça doit marcher.