Page:Charles Derennes Le peuple du pôle 1907.djvu/43

Cette page n’a pas encore été corrigée
39
le peuple du pôle

données sur lesquelles il avait établi son appareil. Il fallait attendre les expériences ; je ne les attendais pas sans appréhension. Non que j’eusse jamais mis en doute la valeur de Ceintras, mais l’état de surexcitation et de dépit dans lequel il se trouvait depuis le début de l’entreprise ne lui avait évidemment pas permis d’exercer ses facultés de chercheur et d’ingénieur dans de très bonnes conditions.

Mes inquiétudes se justifièrent. Nous avions établi notre aérodrome dans un petit village de la Beauce, à deux heures de Paris. Nous étions, dans l’esprit des paysans du lieu, gens grossiers, alourdis de bien-être, à la fois insolents et sournois, « les deux Parisiens toqués qui fabriquaient une machine volante ». Nous subissions de la part de ces brutes une hostilité railleuse et stupide que parvenait à peine à masquer dans leur attitude le respect qu’ils étaient bien obligés de témoigner tout de même à des gens « qui payaient bien ». Le 15 avril eut lieu la première ascension. Il fut aussitôt évident que, si notre appareil, comme ballon dirigeable, en valait bien d’autres, il nous était impossible de compter sur lui pour un voyage qui devait, au bas mot, durer huit jours. C’était surtout la question du lestage qui avait été insuffisamment étudiée. Nous