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le peuple du pôle

grands sujets d’étonnement est que je n’aie pas renoncé à tout, même à l’espoir de guérir, plutôt que de supporter comme je l’ai fait durant des jours et des jours la compagnie forcée d’un être aussi parfaitement haïssable. Mais lorsque le destin nous entraîne à notre perte, nous franchissons avec une facilité surprenante et presque sans nous en apercevoir les obstacles que notre nature paraît dresser entre nos desseins et leur réalisation.

Dès le début de mes relations avec Ceintras, en lui remettant les fonds, j’avais exigé de lui la promesse d’une discrétion absolue. Je tenais à ce que tous les préparatifs fussent accomplis en silence. Cette résolution était la conséquence de mes raisonnements à la fois biscornus et méticuleusement stricts de maniaque ; il me semblait que si les autres hommes avaient vent de notre tentative, le désir leur viendrait aussitôt de nous devancer. Nombreux me paraissaient devoir être, de par le monde, ceux qui souffraient du même mal que moi, et comme le remède n’existait pas en quantité suffisante, les contrées polaires restant les seules inexplorées de la terre, j’entendais bien me le réserver à moi tout seul.

Naturellement, au début, Ceintras accepta cette condition ; il eût aveuglément accepté toutes