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le peuple du pôle

subi, aussi complètement que je l’ai fait, certaines conséquences de cet état d’âme, Condamné à voir éternellement les mêmes objets, j’inventais, au delà du mur inexorable des montagnes, des contrées et des créatures merveilleuses parmi lesquelles mon esprit voyageait. Et il n’y avait qu’une conclusion possible à tous ces rêves : « Quand je serai grand, je partirai, j’irai voir ce qu’il y a dans les pays qui sont derrière les montagnes. » Ainsi se développa peu à peu en moi le besoin insatiable de l’aventure, et, lorsque les conditions de ma vie s’étant modifiées, je quittai enfin ma prison, ce désir s’était définitivement implanté en moi ; l’habitude de mes projets de voyages survécut à la cause qui me l’avait fait prendre.

Il y eut mieux : comme la prison n’existait plus, je m’ingéniais à la voir partout avec l’inconscient dessein d’entretenir ainsi dans toute son ardeur mon désir d’évasion. Cela me fut facile entre les quatre murs du lycée où mon tuteur m’envoya, ma mère morte ; aussi avant même d’entrer dans la vie, j’étais bien sûr que je me considérerais éternellement comme un prisonnier, — prisonnier des villes et des pays où m’attacheraient mes désirs et mes goûts, l’amitié ou l’amour. — D’ailleurs, ayant lu des livres et fait