Page:Charles Derennes Le peuple du pôle 1907.djvu/29

Cette page n’a pas encore été corrigée
25
le peuple du pôle

événement, l’idée lui étant sans doute venue que son mari était mort sans confession, elle n’eut plus d’autre but que de sauver cette âme par la prière et se confina dans une dévotion méticuleuse. Les hobereaux du voisinage et surtout leurs femmes cessèrent de venir nous visiter quand le comte d’Orio ne fut plus là pour sauvegarder la dignité de la maison, car ils avaient toujours, dans leur société, considéré ma mère comme une intruse. Elle n’y prit pas garde, absorbée par ses pieuses pratiques, indifférente à tout et à moi-même. Je ne la voyais qu’aux heures des repas, où elle m’adressait à peine la parole. Deux vieux domestiques s’occupaient de ma personne, et j’étais libre de chercher mon plaisir où je croyais le trouver, à la condition de ne pas sortir du parc ; toutes les portes en demeuraient fermées à clef. On craignait, — avec raison du reste, — que les contrebandiers de la montagne ne poursuivissent leur vengeance sur le fils de leur ancien bourreau.

Il faut imaginer, pour bien comprendre ma destinée, l’enfant que je fus ; il faut me voir éternellement enclos dans la double prison du parc verrouillé et d’un horizon étroit de montagnes. Je ne pense pas que personne au monde ait connu mieux que moi la signification du mot ennui, et