Page:Charles Derennes Le peuple du pôle 1907.djvu/143

Cette page n’a pas encore été corrigée
139
le peuple du pôle

exagérant. Il lui arrivait de me réveiller brusquement :

— Tu n’as pas vu ? Tu n’as pas entendu ? criait-il.

Qu’avait-il entendu ou vu ? J’aurais donné très cher pour le savoir ; seulement, dès que je le questionnais, il faisait un geste vague ou prononçait des paroles plus vagues encore :

— Ce que j’ai vu ? Ah ! voilà !… C’est très difficile à expliquer… Au fait, suis-je bien sûr d’avoir vu quelque chose ? Non, non… certainement non : j’ai eu la berlue ! Dors tranquille, ne fais pas attention, excuse-moi…

Et il recommençait à lancer tranquillement sa ligne dans le fleuve.

D’autres fois il avait des intuitions, des pressentiments de la vérité qui me remplissaient d’une indéfinissable terreur. Il me dit un jour :

— Tu les as vus, tu dois les avoir vus ? Comment sont-ils ? Effrayants, n’est-ce pas ?

— Mais non, je ne les ai pas vus, je t’assure…

— Si ! si ! tu les as vus… et il me semble les voir encore dans tes yeux quand je t’en parle… Oh ! ferme tes yeux, je t’en supplie !…

D’autres fois encore, dans ses instants de lucidité parfaite, il revenait sur le même sujet, mais d’une manière plus rassurante.

— Dis donc, il faudra bien, tout de même,