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pardon pour notre grande douleur. Vous nous avez vôtres voulues, aussi tout vous est, de ce qui est de nous, gardé : notre jeunesse et beauté, mélancolie et liesse, vœux et prières, corps et âme, pensées et faits, tout. Au matin, à midi et à vêpres, à toutes heures et moments, pensons-nous point à vous ? Quand votre clair soleil se lève, ô bien-aimé, et quand aussi en votre ciel luisent vos claires étoiles, ils nous peuvent voir priant et vous offrant non or, encens ne myrrhe, mais notre humble amour et notre pauvre cœur. Ce n’est assez, nous ne l’ignorons point. Las ! enseignez-nous à faire davantage. »

Ci s’arrêtant elles plourèrent à trois amèrement.

« Doux Jésus, » dit encore la cadette, « nous connaissons assez le vouloir de ces hommes. Ils se jugent eux-mêmes être fiers et beaux et ainsi prendre notre amour, mais ils ne sont ne beaux, ne bons, ne fiers comme vous êtes, Jésus. Aussi à vous sommes et serons nous sans cesse, à eux jamais. Voulez-vous bien encore nous aimer un petit, car vous seul êtes notre soulas et liesse en ce triste monde, Jésus ? Vous ne nous voudriez point délaisser. Ha ! faites-nous mourir plutôt vitement, car nous avons de vous faim et soif. Mais, si le voulez, laissez à l’aise ces vilains hommes nous poursuivre d’amour, ce nous sera