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Ainsi fit-il. — Toutefois Blaeskaek l’ayant bien entendu : « Ce n’est point, dit-il, âme de chrétien, mais voix de diable, il le faut contenter. Doncques va quérir en ta cave bonne pipe de cervoise pour ensuite la rouler en ton clos, jusques a ce lieu où a lui la claire flamme. »

— « Ainsi ferai-je, » dit Pieter Gans. Mais à vêpres, pensant que cervoise était bien précieuse pour la jeter à diables, mit au lieu où avait lui la flamme, grand bassin d’eau bien limpide.

Vers la minuit, ouït Pieter Gans voix plus lamentable encore ullant : « Mouille, mouille, je meurs de male soif. »

Et vit la claire flamme danser comme enragée sus l’eau du bassin, lequel fut incontinent, avec grand fracas, brisé et ce si épouvantablement que les morceaux s’en venaient frapper les fenêtres de la maison.

Lors commença il, suer la peur et plourer, disant : « C’est fini de moi, mon bon Dieu, fini de moi. Que n’ai-je suivi l’avis du sage Blaeskack, car il est homme de bon avis, de bien bon avis. — Monsieur le diable qui avez soif, ne me tuez point cette nuit, vous boirez demain bonne cervoise, monsieur le diable. Ha ! elle est réputée excellente partout le pays, car c’est cervoise de roi et de bon diable comme vous êtes pour sûr. »

Ce nonobstant, la voix ullait sans repos : « Mouille, mouille ! »