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sirs du carnaval, il fit arrêter de pauvres hommes du peuple et mit la mort où était le plaisir.

« Couardes furent les dix-huit mille huit cents personnes qui moururent pour la gloire de Dieu ; couardes les innombrables autres qui par les mutinations, colère et insolence des gens de guerre, perdirent la vie ès pays de deçà et de delà, et dont le nombre est infini. Vaillant il fut d’avoir ordonné leurs supplices, et plus vaillant encore de s’en être vanté en un banquet.

« Couards nous fûmes toujours, nous qui, après la bataille, traitions comme frères nos prisonniers ; vaillant il fut lui, qui, après l’échec de Frise, fit massacrer les siens.

« Couards nous fûmes besognant sans cesse, épandant sus l’entier monde les produits de nos mains ; vaillant il fut lorsque, se couvrant d’un manteau de religion, il tua nos riches sans distinction de romains ou de réformés, et nous robba par pillages et concussions trente-six millions de florins. Car le monde est à l’envers : couarde est l’active abeille qui fait le miel, et vaillant le paresseux frelon qui le vole. Crache, noble duc, sus les couards flamands. »

Mais le duc ne pouvait ne cracher ne tousser, car par la force des coups il n’avait plus forme d’homme, tant les chairs, os et armement étaient ensemble mêlés