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et plaçait le fer, il dit à l’homme : « D’où viens-tu ainsi avec cette femme et ce baudet ? »

— « Nous, » dit l’homme, « venons de lointains pays et avons encore à cheminer longuement. »

— « Et, » dit Smetse, « cettuy enfant qui est nu toujours ne souffre-t-il point de froid ? »

— « Nenni, » dit l’homme, « car il est toute chaleur et toute vie. »

— « Oui dea, » dit Smetse, « vous ne calomniez point vos enfants, monsieur ; mais ainsi cheminant quelles sont vos boissons et nourritures ? »

— « L’eau des ruisseaux, » dit homme, « et le pain qu’on nous veut bien donner. »

— « Ha, » dit Smetse, « l’on ne vous en baille point gros, ce vois-je, car les paniers du baudet sont légers. Vous avez doncques faim souventes fois ? »

— « Oui, » dit l’homme.

— « Ceci, » dit Smetse, « me déplaît, et il est grandement malsain à mère allaitant souffrir la faim, car ainsi le lait devient aigre et l’enfant croît chétif. » Et il manda sa femme : « Commère, » dit-il, « apporte ici autant de pains et jambons qu’il en faut pour emplir les paniers de cettuy animal. N’oublie point la double bruinbier, c’est aux pauvres voyageurs céleste réconfortement. Et bon picotin pour le baudet. »