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lui marchant sus avec grand mépris, le poussant du pied comme chose vile et sous riant âprement, il disait de sa voix claquetante :

« Pierre tu es, pierre tu seras pendant mille ans, mais vive pierre, pierre pâtissante. Et quand hommes te viendront scier, tenailler, mettre en poudre, tu endureras tout sans te pouvoir plaindre. Cœur d’ambitieux, cœur de pierre, souffre et pâtis, mon cousin. »

« Tu as affamé le pauvre populaire, ainsi auras tu faim pendant mille ans : tu as donné froid, ainsi auras tu froid pareillement. Cœur d’ambitieux, cœur de pierre, souffre et pâtis, mon cousin.

« Tu seras pierre d’âtre et brûleras : pierre du chemin et on te marchera sus ; pierre d’église, et tu porteras tout le pesant du bâtiment : et tu pâtiras tout mal gêne, angoisse. Cœur d’ambitieux, cœur de pierre, endure et pâtis, mon cousin. »

Ce qu’ayant dit, le Prince des Pierres, poussant du pied devant lui le cœur du Méchant, s’enfonça en la forêt.

Lors Magtelt regarda la tête et elle vit qu’elle avait les yeux grands ouverts ; l’ayant prise, elle la lava de neige et l’emportant s’en fut sus Schimmel, laissant près du corps le cheval et le chien du Méchant, l’un ullant bassement, l’autre le considérant avec grand ébahissement de douleur.