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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

rigueur avec laquelle cette loi était observée. L’empereur avait besoin d’une grande quantité de feuilles d’or ; l’ouvrage pressait et un membre dit au fonctionnaire que s’il pouvait avoir plus de travailleurs que le nombre prescrit par le guild, l’ouvrage serait plus tôt fini. Le gouvernement céda à cette suggestion, mais le guild s’informa et, outragé de la violation de ses lois, il condamna le malheureux ouvrier-adjoint à être mordu jusqu’à la mort. Cent vingt-trois membres du guild, chacun à son tour, mordit le malheureux qui ne manqua pas de succomber. Pour être sûr que personne n’aurait failli à son devoir, aucun membre du guild n’eut la permission de quitter l’atelier à moins que sa bouche sanglante ne témoignât de sa participation à l’acte. Il est vrai que l’ouvrier qui mordit le premier fut découvert et décapité, mais les cent vingt-deux autres ne furent pas inquiétés.

Les salles des guilds, en Chine, dans chaque ville, sont des constructions élégantes et tout ce que l’art peut faire pour les rendre dignes de ces sociétés est fait. Une partie de l’édifice est réservée aux représentations théâtrales et aux sacrifices aux dieux ; et, aux balcons, des visiteurs peuvent assister et regarder le spectacle tout en festoyant et en buvant du saki.

Comme ou le voit, le prolétaire, en Chine, est bien en avant de son frère occidental et le lecteur sera sans doute étonné d’apprendre que le Coréen, s’inspirant de l’histoire chinoise, a organisé aussi un système de guilds qui lui offre une certaine protection contre la classe gouvernementale. Comme nous l’avons dit, c’est le système féodal où tout fonctionnaire est réputé un voleur et celui qui ne l’est pas, un volé. Pour se défendre contre la rapacité des Yang-ban-Nom, la classe la plus élevée, et des Song-Nom, la classe qu’on peut désigner comme les bourgeois titrés, voleurs tous deux, le peuple, le marchand et le coolie se sont également entendus pour établir un guild connu sous le nom du Pusang, société qui date de la fondation de la capitale. Le Pusang est composé de petits marchands et de la classe ouvrière, et on dit qu’il compte deux cent mille membres. La Société est régie par un grand chef élu par elle. Toute propriété est commune et le produit du travail est versé au trésor de la Société. À la façon des francs-maçons, les membres se font connaître par des signes et, en cas