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LA CORÉE OU TCHÖSEN

il devait certainement être d’origine tartare. Il était richement habillé de soie et son chapeau rond était orné de plumes de paon, insigne de son rang.

Le mandarin commença par s’excuser du retard qu’il avait mis à me recevoir. « Ma visite, disait-il, l’avait fort embarrassé. Deux cents personnes s’étaient adressées à lui pour protester contre la permission qui m’avait été accordée de débarquer. Aucun étranger n’avait jamais auparavant reçu la permission de venir à Quelpaërt. Pour aucune raison, le visiteur ne pourrait se rendre à Halla-San, qui était consacrée aux dieux du peuple. Si cette défense était enfreinte, il faudrait ensuite faire des sacrifices pendant une centaine de jours pour rendre propices les esprits de la montagne, car si l’on n’agissait pas ainsi, il surviendrait de grandes calamités, les récoltes seraient perdues, etc. »

Il n’y avait d’autre chose à faire que de se soumettre à ces conditions. Un repas fut apporté ; il se composait de biches de mer, d’algues marines frites, de poisson, de miel et de vin. Mon domestique et le matelot japonais étaient assis à quelque distance, très effrayés, car ils ne pouvaient comprendre le sens de l’entrevue et craignaient qu’il ne résultât de tout cela quelque chose de terrible pour eux. Du reste, on ne saurait guère les blâmer de leurs craintes, parce qu’ils entendaient les menaces violentes qu’on proférait autour d’eux. Enfin, cette longue audience se termina. Le gouverneur envoya son maître de cérémonies pour m’escorter jusqu’à la maison qu’il m’avait réservée. Il me pria d’excuser la pauvreté de ce logis, et il eut raison. Déjà, le matin, on m’avait donné à monter un poney sauvage qui n’avait jamais été dressé (avec l’intention, je crois, de me faire casser le cou), et maintenant j’allais habiter une cabane empoisonnée par les miasmes les plus épouvantables. Kim et le cuisinier étaient ravis, car ils pensaient que le maître ne voudrait pas rester dans un tel endroit et qu’on partirait bientôt. Ils n’avaient pas tort, car je me proposais de partir le plus tôt possible avec les notes et observations que je comptais prendre, et de quitter tout de suite Tchou-Song. J’envoyai Kim, après le déjeuner, chez le gouverneur, pour lui demander de m’envoyer une garde destinée à m’accompagner, dans la matinée, à travers les rues de la ville, que je voulais photographier.