lieu d’une plaine déserte, mais encore et surtout de l’économie sévère de leurs surfaces simples, de leurs ligues droites, rigides et continues. Ce sont là des caractères si essentiels, que sans eux le bâtiment le plus vaste peut perdre à nos yeux de son étendue, tandis que par eux une architecture quelconque peut gagner les apparences de la grandeur.
Que si les lignes courbes sont substituées aux lignes droites, si les surfaces s’arrondissent, si les angles disparaissent, aussitôt l’effet change. Passant avec douceur de l’ombre à la lumière, de la lumière à l’ombre, graduellement conduit d’une extrémité à l’autre de l’édifice, le regard n’en apercevra plus d’un seul coup la grandeur. L’impression deviendra plus agréable, mais moins sévère, moins grandiose ; elle va s’émousser comme les angles, et s’adoucir comme les contours et les surfaces. Il est possible qu’un monument à lignes courbes et à formes convexes, comme le Panthéon d’Agrippa, à Rome, réunisse les conditions de la beauté, même d’une beauté imposante ; mais il n’a plus ce caractère rude et fier qui enlève notre imagination, qui brusque notre âme. Il n’a plus rien qui fasse à nos yeux ce que fait à nos oreilles un coup de tonnerre ; en un mot, il n’est plus marqué à l’empreinte du sublime. Sans anticiper sur les exemples que nous fournira l’histoire, nous pouvons affirmer dès à présent que ni la coupole de Saint-Pierre, à Rome, ni la colonnade circulaire qui précède la basilique, ni le dôme de Sainte-Sophie, à Constantinople, ni le Panthéon de Paris, ni Saint-Paul de Londres, ne produisent l’effet sublime que nous font les longues lignes verticales et horizontales d’un temple égyptien ou d’un temple grec, ou les profondes nefs de nos cathédrales gothiques du beau siècle et leurs rangées de piliers qui, en ligne droite, s’élancent jusqu’aux cieux.
Quelle différence entre les monuments à lignes droites et les monuments à lignes courbes ! Jamais l’architecte, par le prestige de son art, ne pourra nous faire illusion sur la grandeur d’un temple circulaire ; il y faudra des dimensions prodigieuses pour que l’édifice nous impose. Une coupole, une rotonde, si vous les regardez du dehors, vous dérobent en tournant une partie considérable de leur étendue, parce qu’au lieu de se développer, elles s’enveloppent. À tous les points de vue, elles se montrent en raccourci. Que dis-je ! on n’en voit réellement que le diamètre ; or, si le diamètre est à la circonférence à peu près comme 7 est à 22, en supposant que la rotonde ait 220 mètres de tour, on n’en verra que 70. Si vous la contemplez à l’intérieur, — la coupole pourra être embrassée dans son ensemble ; mais, les lignes se repliant sur elles-mêmes au lieu de s’étendre, elle n’aura de majesté qu’à la condition d’être immense et d’offrir des surfaces unies, non rompues ; et l’impression, si elle est solennelle, sera tranquille, parce qu’elle sera tempérée par la douceur du clair-obscur, et, pour ainsi dire, par le vaste silence de la voûte, où aucun angle ne viendra heurter le regard. Chose étrange,