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ARCHITECTURE.

couronnées d’un fronton. Dans le monument de Lysicrate, plus encore que dans le petit temple de Pandrose, les Grecs ont employé les denticules évidemment pour contrarier les formes rondes. La courbe du monument, qui est circulaire depuis les marches du stylobate jusqu’à la corniche, la convexité d’un toit en coupole, la bordure de ce toit, qui est en rouleaux courants appelés postes, l’enroulement des trois hélices qui servent de consoles an grand fleuron du couronnement, et enfin les volutes de ce fleuron, tout cela composait un ensemble de courbes qui aurait donné de la mollesse à l’édifice, si la rondeur n’avait été rachetée deux fois : en haut, par la forme carrée des denticules et par le triangle que font les hélices et le trépied du sommet ; en bas, par la forme quadrangulaire du piédestal, dont les rudes bossages offraient un autre contraste avec les riches et délicates ciselures du monument.


postes.

Tel est le plus ancien exemple d’ordre corinthien que le temps ait un peu respecté. Les Romains, il faut le dire, n’ont pas corrompu cet ordre comme ils avaient corrompu le dorique et l’ionique : le corinthien a été le triomphe de leur architecture. Cependant ils ont commis le plus souvent dans cet ordre la même faute que dans les deux premiers, en faisant porter les colonnes sur une plinthe carrée ; je dis le plus souvent, parce qu’au petit temple corinthien de Tivoli, bâti sur la fin de la république, les colonnes n’ont pas de plinthe. C’est une erreur propre à toutes les décadences que d’altérer les lois primitives en s’attachant à la lettre au lieu de s en tenir à l’esprit. Ceux qui, comme Vitruve, affectaient de voir dans la colonne ionique l’image d’une femme dont la coiffure était représentée par les volutes du chapiteau, la robe avec ses plis par les cannelures, la chaussure par la hase, ceux-là, disons-nous, furent naturellement amenés à mettre sous la base de leurs colonnes une semelle, la plinthe, que les Italiens appellent en effet zoccolo, c’est-à-dire le socle. Les Athéniens, au contraire, avaient si peu de goût pour les bases, que non seulement ils ont repoussé la plinthe, mais qu’ils ont quelquefois supprimé la base même de l’ordre corinthien, par exemple dans l’horloge d’Andronicus Cyrrhestes, dite la Tour des Vents.

Mais, à part cette altération, les Romains ont pratiqué à merveille l’ordre corinthien. On peut même dire qu’ils en ont à peu près fixé les formes et les proportions. Dans son élégante légèreté, le monument choragique de Lysicrate, n’ayant en hauteur que 10 mètres, était une exception tout à fait rare et ne pouvait servir absolument de type. Tout n’était pas à