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À la première période du dorique appartiennent le temple de Corinthe, dont les colonnes, les plus courtes que l’on connaisse, n’ont pas même neuf demi-diamètres de hauteur, et le grand temple de Neptune à Pæstum, dont la rudesse a quelque chose de terrible encore et de sauvage, et dont les colonnes, hautes de cinq diamètres, sont courtes et fortes ; elles ont un renflement insensible, mais une diminution très prononcée ; les cannelures sont à vive arête. L’étroitesse des entre-colonnements imprime à l’ordonnance, selon le mot des anciens, cette âpreté, dont la belle expression, asperitas, s’est conservée dans le latin de Vitruve. L’architrave est épaisse, le triglyphe puissant, la métope lisse, et l’absence de tout ornement sculptural est une austérité de plus. Au temple d’Égine, la colonne s’allonge ; elle dépasse la hauteur de cinq diamètres, et le monument s’enrichit, au fronton, de sculptures raides, aux plis compassés, qui rappellent la symétrie architectonique. Au temple de Thésée, à Athènes, la colonne a onze modules, c’est-à-dire onze demi-diamètres. Au Parthénon, elle a un peu moins de six diamètres. Mais quelle marge laissée à la liberté du génie entre les supports trapus de Corinthe et les colonnes relativement sveltes des Propylées d’Athènes et du Parthénon !

Ici l’ordre dorique est à son apogée. Une intention de grâce se mêle à la force et se fond dans le caractère dominant, qui est la majesté. Un


architrave de pæstum.
architrave du parthénon.


temple élevé à la grande déesse, par le peuple le plus élégant de la terre, devait offrir ce tempérament de sévérité et de douceur, si convenable à la demeure d’une vierge armée, pudique et fière. Aussi tout ce que l’ordre dorique comporte de délicatesse y est ajouté par l’atticisme d’Ictinus et de Phidias. La rudesse primitive a fait place à des raffinements inconnus. Dans le grand temple de Pæstum, par exemple, l’architrave est posée à l’aplomb du diamètre supérieur de la colonne, de sorte que la forte saillie de l’échine et du tailloir devient inutile, puisqu’on peut