cet élargissement inférieur, l’adjonction de la base ne dérive pas absolument
des nécessités de la construction. Aussi a-t-elle donné lieu aux conjectures les plus
diverses. De graves auteurs, tels que Léon-Baptiste Alberti,
Palladio, Scamozzi, Quatremère de Quincy, ont prétendu, les uns que la
base (dans laquelle il y a toujours une partie ronde) représentaitun anneau de fer qui serait rivé au pied de la colonne,
ou bien des matières molles que le poids de la colonne
ferait sortir de terre ; les autres, que la base figurait
les planches plus ou moins épaisses que le constructeur
primitif des édifices en bois avait mises sous les poteaux
pour les préserver de l’humidité et les empêcher de pourrir.
Mais la variété même de ces explications prouve bien
que la base des colonnes ne doit pas son origine aux précautions
raisonnées du constructeur. Ce qui importe à la
stabilité d’une colonne, c’est qu’il y ait une transition
entre la ligne verticale du fût et la ligue horizontale du
sol. Cette transition peut se ménager par un ou plusieurs
biseaux qui servent de renforts ; l’on peut y suppléer
aussi en donnant au support une formel pyramidale qui produit sur le
sol, au lieu d’un angle droit, un angle plus ou moins ouvert. Les architectes
français du xiie siècle n’ont pas manqué de relier la base au fût par
des biseaux, comme le fait observer M. Viollet-le-Duc ; mais les Grecs des
premiers temps avaient obtenu le même résultat en faisant pyramider
la colonne et en confondant ainsi la base avec l’élargissement du fût. Les
colonnes antiques de Pœslum, qui sont debout depuis deux mille huit
cents ans, et les colonnes du Parthénon, qui ont résisté à l’explosion d’une
poudrière, prouvent assez que le système de la colonne conique, sans base,
présente toutes les garanties désirables de solidité. Si nous consultons
maintenant la convenance, il est clair que la base est un obstacle à la
circulation. Une foule qui doit passer entre des colonnes ne voit pas les
bases, et s’y heurte les pieds, surtout si elles sont angulaires : on trouve
donc un avantage à les supprimer. Il y a plus : si la colonne a une base,
un fût et un chapiteau, c’est-à-dire un commencement, un milieu et une
fin, elle forme un tout dans le tout, et l’esprit peut dès lors séparer le
support de la chose supportée. Au contraire, si la base disparait, la colonne
n’est plus qu’un membre dépendant et inséparable de l’architecture ;
elle fait corps avec le palais ou avec le temple.
Supposons que la colonne soit unique ; qu’on la dresse sur une place publique pour la couronner par la statue d’un héros ou par l’image d’une victoire, comme, par exemple, la colonne Trajane à Rome, la colonne de Juillet à Paris : d’abord, par cela même qu’elle est isolée, c’est-à-dire qu’elle n’entre pas dans la composition d’un édifice, elle pourra posséder une base sans gêner la circulation ; ensuite il sera impossible de la con-