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ARCHITECTURE.

d’abord par la forme et le caractère des masses qui soutiennent, ensuite par la forme et le caractère des masses soutenues. Nous avons vu combien l’aspect d’un simple mur est susceptible de varier selon la nature et l’assemblage des matériaux, et que la seule façon de les appareiller produit les impressions les plus diverses. Mais le mur est un support continu qui ne suffit pas toujours à la beauté des édifices, et qui souvent est contraire à leur destination. Il a donc fallu inventer des supports isolés, là où il était nécessaire de faciliter la circulation du peuple, et de laisser pénétrer l’air et le jour dans des édifices couverts. Les supports isolés se nomment des poteaux ou des piliers, suivant qu’ils sont en bois ou en pierre.

Le Pilier est la forme rudimentaire du support isolé ; c’est un massif vertical, carré ou polygone, qui porte une charge quelconque de maçonnerie. Le pilier s’appelle aussi pilastre ; mais on lui donne particulièrement ce nom quand, au lieu d’être isolé, il est censé engagé dans le mur. Lorsque le pilier a la forme arrondie et qu’il demeure isolé, il prend le nom de colonne.

Colonne. C’est un des grands plaisirs de l’esprit que de remonter à l’origine des choses, et cela parce que la raison humaine, étant logique par essence, se plaît à déduire et ne peut le faire qu’en s’appuyant sur des principes. Le mot français colonne vient du mot latin columna, dérivé lui-même de columen, qui signifie soutien, support. Ainsi, l’étymologie l’indique, et il faudra s’en souvenir, la fonction véritable de la colonne est de supporter

Originairement, les hommes trouvèrent sans doute leurs premiers abris soit dans les cavernes, soit dans les forêts ; ceux qui construisirent les premières huttes durent les appuyer d’abord aux troncs des arbres, avant de songer à couper ces arbres et à les équarrir pour les transporter et les utiliser ailleurs. Il n’est pas douteux que des arbres qui seraient plantés en ligne et qui auraient poussé droit seraient les plus fermes appuis d’une construction (en supposant, bien entendu, la sève arrêtée), si on les coupait à la hauteur où naissent les grosses branches. Le tronc d’arbre, en tant qu’il est rond et vertical, est donc en lui-même une image naturelle de la colonne. Élargi au niveau du sol, il va diminuant de bas en haut jusqu’à ce qu’il s’élargisse de nouveau et s’épanouisse à l’endroit où il se divise en branches. Il est donc naturel que la colonne diminue aussi à mesure qu’elle s’élève, et que par cette diminution elle tende à la forme d’un cône. L’instinct le plus vulgaire indiquerait d’ailleurs ce rétrécissement du diamètre, parce que le bas de la colonne devant porter, outre les charges supérieures, tout le poids de la colonne elle-même, il convient de répartir cette pression sur un plus grand espace Mais du moment que la colonne est destinée à soutenir un fardeau, il