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ARCHITECTURE.

s’attache aux traditions antiques et aux longs souvenirs, alors même que les nations, répandues sur la terre déboisée, auraient inauguré l’âge de fer[1].

La configuration du sol. Avant d’employer les ressources de la couleur, les arts du dessin produisent leurs effets par le mariage des lignes droites et des lignes courbes ; mais l’architecte surtout, dont les œuvres ont la nature pour cadre et le ciel pour fond, doit faire entrer d’abord dans ses combinaisons les lignes extérieures que lui fournit la situation de son monument. Lorsque la terre est montagneuse et qu’elle présente des courbes variées, on s’attend que l’architecture affectera les lignes droites ; lorsque le spectacle environnant se complique de lignes brisées et se tourmente, l’art est porté aux formes simples, aux contours reposés, aux profils qui se continuent.

Un grand peintre qui a eu au plus haut degré le sentiment de l’architecture, Nicolas Poussin, a toujours l’attention de racheter par des lignes tranquilles le mouvement de la campagne, et de combiner l’invention de ses fabriques avec les données de la nature. Tantôt il coupe par des obélisques, des pyramides ou des fontaines le fond calme de son paysage ; tantôt il suppose au loin un aqueduc romain qui contraste avec l’ondulation des collines et assoit l’horizon. Chez lui, le regard trouve toujours un point d’appui pour joindre les montagnes les plus éloignées ou pour franchir un ravin. Mieux que personne, il a compris que l’architecte, avant de dessiner le plan de son édifice et d’en marquer la place, devait regarder à la configuration du sol, le plus souvent afin de contrarier les aspects naturels, quelquefois au contraire, mais rarement, afin de s’y conformer et d’ajouter encore par ses propres artifices à l’énergie des impressions locales. Sous ce rapport, les voyages sont pour l’architecte un utile enseignement. En parcourant les diverses contrées que l’art a visitées avant lui, il verra comment le génie de l’homme a corrigé ou secondé les effets produits par le caractère du sol, et y a même puisé ses habitudes de construction. Dans tel pays où une grande partie de l’existence se passe sur les fleuves, comme en Chine, il arrive que les ponts,

  1. Dans un livre que nous avons publié naguère touchant l’Exposition universelle, le lecteur trouvera sur l’architecture en fer d’autres observations, et quelques aperçus qui seront peut-être de nature à l’intéresser. V. les Beaux-Arts à l’Exposition universelle de 1878. Paris, Renouard, 1878.